13/11/2008


Le concert affiche complet depuis plus de trois semaines. Il y en a qui n’auraient raté cela pour rien au monde. En connaissance de cause, évidemment… Après tout, les Kills ont pondu rien moins que trois disques majeurs des années zéro – puisqu’on les appelle ainsi – sans la moindre faute de goût. Une musique sulfureuse, subversive, animale et minimaliste : le petit dernier, « Midnight Boom » est sans conteste l’album de l’année. Avec des mélodies à tomber par terre, une tension à tourner comme lion en cage, des rythmiques qui secouent, une guitare qui transperce et une voix qui transporte. Et c’est donc pour le défendre, qu’Alison « VV » Mosshart et Jamie « Hotel » Hince sont sur la route depuis des mois. Et ici ce soir, au Bataclan, adéquat réceptacle pour ce duo hautement addictif.

La première partie est « assurée » par les Naive New Beaters, un trio tout simplement navrant : boîte à rythme redondante, guitare et chanteur insupportable. Vraiment navrant… Mais qu’importe. 21h passées, The Kills débarquent enfin. Punk chic, jeans serrés qui leur collent à la peau, lui en petit pull marin sous le blouson de cuir, et elle, chemise ouverte sur t-shirt à trous. Et cette paire de boots en or qui ne la quitte plus, s’entend. Les bruits de téléphone de U.R.A. Fever retentissent et la connexion s’établit instantanément. Aucun des deux ne décrochera jusqu’à la fin. Alison est belle et fascinante, magnétique sous sa crinière féline, chantant avec une intensité non feinte, de sa voix chaude usée par la tournée, parfois à la limite de la rupture comme sur Tape Song, interprétée de la manière la plus nerveuse qui soit. Accrochée à son pied de micro ou perchée sur les baffles de retours, elle a la foule à ses pieds, subjuguée…
Dans le genre rock’n’roll et ténébreux, Jamie n’est pas en reste, pas le dernier non plus à violenter sa guitare Höfner des années 60, véritable arme de destruction massive qu’il secoue, qu’il cogne… Elle pourrait se tordre tant la tension semble forte. Il en tire un son glacial, sec, rêche, des riffs brutaux, pour une musique infernale et brûlante. La bouche collée à son micro, il emmène celui-ci où bon lui semble, ou plutôt vers sa complice, et le jeu du chat et de la souris commence… tantôt au coude à coude, tantôt chacun de son côté de la scène, mais toujours en fusion, se fusillant de la guitare, et de mimer des coups de tête rageurs…


En un peu plus d’une heure, les chansons de « Midnight Boom » sont largement balayées (
Alphabet Pony, Last Day Of Magic), avec quelques incursions dans les deux précédents albums (Kissy Kissy, Fried My Little Brains). Le set est fiévreux, et Black Balloon fait office de seule ballade rescapée, seul instant suspendu dans l’ouragan sonique, où No Wow devient un morceau salement noisy. Pendant Cheap And Chearful, un mystérieux BiBi-Oman fait une apparition remarquée, dans une combinaison intégrale rose, escaladant la scène avant un stage diving en bonne et due forme à travers la salle, provoquant l’hilarité du public mais aussi de VV… Malgré toute l’intensité contenue dans leur musique, les deux Kills semblent assez détendus et savourent. Qu’importe que Jamie se loupe sur son looper et s’y reprenne à deux fois en lançant U.R.A. Fever après avoir annoncé une de leurs plus vieilles chansons, Cat Claw : « You’ve got it / I want it »…

En rappel, c’est
Pale Blue Eyes du Velvet Underground qui est offerte dans une version hard-core digne de Sonic Youth. Là, le chargé de la sécurité vient extirper du public une personne inanimée. Inquiets, Alison et Jamie s’interrompent, s’enquièrent de son état, lui apportent de l’eau, laissant la boîte à rythme continuer son lancinant office. Tout va bien ; l’incident clos, ils reprennent le morceau, sous les acclamations du public qui a apprécié le geste. Juste classe. Après deux autres chansons, ils finiront carrément à quatre pattes, dans une folle chevauchée de guitare… Sur scène, les Kills donnent tout, et bien plus encore.

Alors oui, les Kills sont des tueurs, avec ce côté sexy, dangereux, Bonnie and Clyde… Probablement le truc le plus rock’n’roll depuis Kurt Cobain. Et ça fait un bien fou.


F.G.