25/02/2009


C’est donc la saint Valentin, et on l’aura compris, les jeunes filles sont en fleur, même si on continue de se geler les proverbiales miches dans ce foutu pays. Ce qui ne signifie pas que le thermomètre soit au plus bas partout… Et surtout pas à la Maroquinerie, qui affiche ce soir sold out. Même si on en soupçonne une partie d’être venue dans l’espoir d’assister à l’un de ces dérapages incontrôlés qui ont fait la réputation des Black Lips en live. Ou pas (on aperçoit d’ailleurs quelques caméras dans la salle, pour le souvenir, « au cas où »). Mais qu’importe.


Le quatuor chargé d’ouvrir la soirée assaille l’assistance en même temps que cette question, fondamentale : mais où diable veulent-ils en venir ? En effet Ponytail laisse dubitatif dans le genre nerd-punk agité du bocal : malgré une batterie tribale et hirsute impressionnante, on a vite le sentiment de tourner en rond. Aucune mélodie véritablement identifiable, au mieux quelques riffs de Telecaster (à droite comme à gauche) balancés sur des micro-boucles de guitares bricolées avec trois bouts de ficelle, et pas le moindre mot de plus de deux syllabes en vue. Non, la chanteuse a quelque chose d’une adolescente qui aurait des choses à reprocher à ses parents, et fait presque exclusivement dans le cri et l’onomatopée, avec la conviction sans faille d’une possédée, certes, mais pas de quoi s’extasier non plus. Certains crieront peut-être au génie, mais qui ?


Arrivent ensuite les Black Lips, parfaits dans le rôle de derniers dégénérés d’une Amérique profonde et perdue. Opération foutoir intégral, crachats et giclées de bière garantis, rot en option. Les Géorgiens débarquent en France – et en goguette – alors que sort « 200 million Thousand », successeur du remarqué « Good Bad Not Evil » (Vice Records, 2007). Le guitariste Cole Alexander est vêtu d’une espèce de poncho qu’on dirait taillé dans un drap de lit et d’un chapeau à la Harry Potter. Il semble se délecter de ses glaviots qu’il crache en l’air et s’efforce tant bien que mal de re-gober, cambré, bouche grande ouverte. Au centre, à la basse, Jared Swilley, chemise bleue à carreaux, semble sorti d’une série américaine pour adolescents, dans laquelle il aurait joué le rôle du jeune psychopathe ; et derrière lui, à la batterie, Joe Bradley martèle comme un damné. A côté, Ian St. Pé semblerait presque sage avec sa guitare SG. Chacun éructe et s’époumone, quand ce n’est pas tous les quatre en chœur. Et si l’on a parfois l’impression que leurs titres ont été, pour la plupart, écrits en hurlant à la lune, à l’heure où ferment les bars et où l’alcoolémie se mesure en grammes, force est de reconnaître la diabolique efficacité de leurs chansons. Evidentes, jouées à toute berzingue, entraînantes.

Le public, jeune, beau, vaguement déglingué et totalement concerné, ne s’y trompe pas et y trouve largement son compte, réagissant au quart de tour. La masse se meut frénétiquement, remue sévèrement, les gobelets de bière volent, et les demoiselles sont loin d’être les dernières à batailler dans le tumulte, certaines se laissant allègrement porter par la foule. Sauvage, certes, mais somme toute pas autant qu’on aurait pu le présager. Assagis les Black Lips ? Pas encore non. Le bordel ne peut juste pas être une routine. Jour des amoureux oblige, les plus délurées du premier rang auront droit à quelques roses qui finiront, bien sûr, en pétales balancés sur scène.


A l’heure du rappel, c’est à nouveau Cole Alexander, bière à la main bien entendu, qui débarque le premier, et monte sur la grosse caisse pour montrer comment l’entrejambes de son pantalon a été déchiré lorsqu’il s’est jeté dans le public, et exhibe donc ce que l’on appellera communément son sexe. Dernière salve et puis s’en vont. Si les Black Lips sont bel et bien capables de dynamiter une audience, à la limite de l’hystérie, cette bande de branleurs est également responsable de chansons insolentes, ce qui n’est certainement pas anodin… Reste à savoir si la postérité les retiendra comme de jeunes proto-punks catalyseurs de réactions live incontrôlées, ou de savants petits malins qui auraient percé quelques-uns des secrets d’une pop énergique et irrésistible, tout en se faisant passer, l’air de rien, pour les connards les plus cool de la terre.


F.G.