27/04/2009


Retour à la Mécanique Ondulatoire, qui, ce soir, ressemble plus à l’idée qu’on pourrait se faire d’un club anglais en 1971. La raison de la température si élevée n’est pas une vodka russe, mais Radio Moscow, qui comme son nom ne l’indique pas, débarque de l’Iowa, USA.


Chargés de l’ouverture, les Français de The Pupils sont venus se faire la main. Malgré une moyenne d’âge plutôt verte, leur set s’achève sur un reprise de You’re Gonna Miss Me des 13th Floor Elevators, ce qui en soi constitue déjà une victoire sur le marasme électrique. Mais passons aux choses sérieuses. Radio Moscow débarque en rangs serrés, formation trio blues atomique, comme l’Experience d’Hendrix ou le Cream de Clapton… La faille temporelle s’ouvre instantanément, les images et les sons reviennent à l’esprit, se mélangent… Où donc était passé le british blues, celui des maîtres, des héros d’antan ? Ne cherchez plus ! Pas étonnant que le génial Dan Auerbach des Black Keys ait accueilli le groupe dans son studio pour produire le premier album voilà deux ans. Le second, « Brain Cycle », juste sorti, est tout sauf un démenti…


Dernière recrue, Cory Berry, yeux noirs et bouclettes souples, n’a visiblement aucun complexe à découper sa batterie zébrée, la grosse caisse omniprésente pour tromper les pulsations cardiaques. A la basse, Zach Anderson a des allures de hippie estampillé San Francisco : les jeans taillés dans des pattes d’éléphanteau, et un bandeau qui ne retiendra pas longtemps ses longs cheveux qui tombent en cascades au rythme de ses head-bangings. Il tartine un bourdon bien rond sur une Gibson Thunderbird deux fois plus vieille que lui, et ponctue les embardées électriques de son guitariste. Et que dire de Parker Griggs qui captive l’attention et les regards. C’est lui l’héritier du blues boom des sixties-seventies sauvages. Là un riff en power chords lourd comme du plomb à la manière du Black Sabbath d’Iron Man, ailleurs, une Stratocaster lardée de wah-wah stoogienne, et surtout, des solos hendrixiens véloces, mais sans esbroufe, jamais bavards, jamais chiants… Bref, comme à la grande époque où le son et l’expressivité primaient sur la virtuosité technique.


Photo : Florian Garcia


Et qui aurait dit que ce visage poupon, planqué entre deux raides rideaux de cheveux, abriterait une voix volontiers rugissante, dans la pure tradition hard rock seventies et à la manière de ses congénères actuels de Wolfmother… Alors bien sûr les textes sont courts, voire anecdotiques, avant que la guitare ne reprenne le dessus. Pourtant, on n’a jamais le sentiment d’entendre deux fois le même morceau. Non, tout semble se passer dans l’hypnose, à travers une petite fenêtre refermée sur quelques doigts et un manche de guitare.

Puisqu’on est dans la tradition, et que visiblement ce qui éclate le groupe, c’est une musique d’un temps qu’ils ne peuvent pas connaître, il apparaît presqu’évident de glisser une reprise, un classique, et pas des moindres : I Just Wanna Make Love To You, comme les Stones…


De là à basculer dans un final, destroy et bordélique, il n’y a qu’un pas, avec solo de batterie roulant et déroulant à qui le mieux façon Led Zep ; quitte à finir avec une corde en moins. Seule petite fausse note d’ailleurs de Parker Griggs qui, généreux et plutôt que de s’arrêter là-dessus, ira jusqu’à traverser la salle dans les deux sens dans le but de changer sa corde cassée. Peine perdue malheureux, on est à Paris en 2009, il y a le couvre-feu, et un temps pour faire trembler les murs. Après l’heure, c’est plus l’heure.


F.G.


21/04/2009


La Mécanique Ondulatoire est un de ces bars parisiens où la décoration laisse présager d’un supplément d’âme et de toilettes pittoresques, mais rien n’indique, si ce n’est les alléchantes affiches, qu’un tout petit escalier conduit vers des horizons insoupçonnés. Et on s’y presse ce soir, pour s’entasser dans l’étroit sous-sol ; la cause est entendue, le plateau est tentant : Bob & Lisa et Legendary Tigerman. « Une allstar dremteam » prévient le programme.


Bob et Lisa sont, à la vie comme à la scène, indissociables du groupe The BellRays, quatuor californien électrique et électrisant emmené par le couple, qui ce soir se présente en duo, avec une guitare acoustique, et un disque, « Rosethorns », signé pour la première fois de leurs deux prénoms… En réalité la paire a toujours pratiqué ce genre d’exercice, en parallèle de huit albums et une quinzaine d’années de BellRays.

Chemise et robe à fleurs des îles assorties, Bob et Lisa offrent cette vision décalée, surréaliste mais plutôt amusante d’un couple de vacanciers, loin de l’imagerie rock et de l’apparat qu’on leur connaît. Lisa arbore toujours une volumineuse coupe afro, son tambourin toujours à portée de main, et se glisse l’air de rien dans les fantômes d’Aretha, Otis Redding, Tina Turner, ou James Brown, avec une voix pure et puissante (même à quatre kilomètres du micro sa voix continue de projeter jusqu’au fond de la salle), sensuelle dans le feulement contenu, déchirante lorsqu’elle la pousse dans ses retranchements. Et puisqu’on a affaire à une dame, si celle-ci demande un « yeah ! » sur 90 Miles, inutile de dire que le public suit, ce qui n’est pas pour lui déplaire. Bob, avec sa tignasse blond filasse et ses grosses lunettes cerclées de noir, semble sorti tout droit de comics américains, tel qu’il est représenté sur la pochette de l’album. Assis sur son tabouret, il accompagne sa moitié d’harmonies vocales haut perchées aux accents dylaniens, de gimmicks blues ou d’arpèges dépouillés, joués sur une guitare japonaise des seventies (du temps où le Soleil Levant produisait les meilleures américaines) aux basses profondes qui ondulent le long des voûtes, au diapason de la vibration qui caresse et transperce le public, suivant les accès de fièvre de la chanteuse. Rock, soul, blues, country, pop, R’n’B (« Rythm and Blues »), sont convoqués au gré des morceaux, si bien qu’on serait bien ennuyé de chercher à leur coller une étiquette ; non, c’est un peu tout cela réuni, transcendé par la voix de Lisa.



Cette version alternative acoustique des BellRays, ramenés à leur ossature fondamentale guitare-voix, Bob-Lisa, impose leur talent et par-dessus tout une voix qui, malgré l’étendue de son registre, demeure en permanence chargée d’émotion, sans jamais donner dans le démonstratif…


Etonnamment, il suffit d’un seul homme ce soir, pour faire monter la tension d’un cran. Legendary Tigerman, le héros rock portugais met tout le monde d’accord et KO. Longiligne, pompes blanches, chemise noire, lunettes fumées et cheveux gominés, le fondateur de Wraygunn est ici en solo. Pourquoi faire à plusieurs ce que l’on peut faire seul ? Le légendaire centaure félin joue donc à l’homme-orchestre, grosse caisse sous le pied droit, caisse claire ou charleston et tambourin, au choix, sous le gauche, et, devant lui, deux micros, dont un des plus salissants, et un troisième solidaire d’un kazoo (c’est plus rigolo). Guitare Gretsch en main, et entouré d’un arsenal d’effets et d’amplis, il tire de sa six-cordes des basses vrombissantes et un son fuzzy old-school.

L’individu se démène avec autant d’abnégation que de dérision. Rock’n’roll déglingué, boogie sale, riffs de slide blues, reprise de Route 66, et rockabilly à toute berzingue, on pense aux Cramps bien sûr (avec un pincement pour le chanteur Lux Interior, mort en ce début d’année) mais aussi aux White Stripes ou à l’intenable Jon Spencer, qu’il semble être le seul à pouvoir concurrencer sur ce terrain gominé. Dans la salle, des fans manifestes semblent avoir à cœur de brailler les textes avec lui. C’est que dans l’underground, Paulo Furtado (de son vrai nom) n’est pas qu’une légende…


Photo : Florian Garcia


Le massacre des innocents s’achève avec She Said des Cramps, version trash (sic !), durant laquelle il maltraite une antique chambre d’écho à bande (Wem Copycat pour les connaisseurs) dont il extirpe des scratches stridents avant de reprendre de plus belle et hurler « hoo-hi-ha-ha », le micro ras la gueule, jusqu’à ce que mort s’ensuive.


F.G.


Setlists

Bob & Lisa

Crazy Water / In The Light Of The Sun / Save Me / Baby What You Want Me To Do / The Way / Crossfire Blues / Endings And Beginnings / Walking On The Rain / Jackie / I Think Of You / Wedding Bells / 90 Miles / Every Single Day / Wishing Moon / Ride / Testify

Legendary Tigerman

Masquerade / Shoot My Woman / I Got My Night Off / Crawdad Hole / Walkin’ Downtown / Love Train / Make You Mine / Route 66 / Honey, You’re Too Much / Blue Moon Baby / The Hole World’s Got… / Naked Blues / Bad Luck R’N’B Machine / & Then Came The Pain / Big Black Boat / Your Life Is A Lie / She Said


10/04/2009

Interlude majeur...


Rock Lives fait des petits ! Il y a d’abord « Photos Lives », son pendant lumineux, où sévit le journaliste et photographe, complice et compagnon d’infortune, Florian Garcia. On y retrouve, en images, bien des choses relatées dans ces colonnes. Et vous constaterez qu’on ne vous ment pas.

Et puis il y a « Rock Times », suite logique, car on ne saurait se contenter de concerts, d’amour et de bières fraîches. « Rock Times », qui élargit le champ du possible, qui s’offre le luxe d’une liberté revendiquée. Vous vous en doutiez, il faudrait tôt au tard dire qui sont ces groupes et pourquoi eux, parler de leurs albums, de leur histoire.

Et puisque la famille s’agrandit et que, donc, l’heure est à l’ouverture, vous y découvrirez d’autres signatures. Nul besoin de présentations, vous ferez vite connaissance…

C’est là que ça se passe : http://rock-times.blogspot.com/, et ici aussi bien sûr, comme toujours, au prochain concert.


A très vite,


F.G.