21/04/2009


La Mécanique Ondulatoire est un de ces bars parisiens où la décoration laisse présager d’un supplément d’âme et de toilettes pittoresques, mais rien n’indique, si ce n’est les alléchantes affiches, qu’un tout petit escalier conduit vers des horizons insoupçonnés. Et on s’y presse ce soir, pour s’entasser dans l’étroit sous-sol ; la cause est entendue, le plateau est tentant : Bob & Lisa et Legendary Tigerman. « Une allstar dremteam » prévient le programme.


Bob et Lisa sont, à la vie comme à la scène, indissociables du groupe The BellRays, quatuor californien électrique et électrisant emmené par le couple, qui ce soir se présente en duo, avec une guitare acoustique, et un disque, « Rosethorns », signé pour la première fois de leurs deux prénoms… En réalité la paire a toujours pratiqué ce genre d’exercice, en parallèle de huit albums et une quinzaine d’années de BellRays.

Chemise et robe à fleurs des îles assorties, Bob et Lisa offrent cette vision décalée, surréaliste mais plutôt amusante d’un couple de vacanciers, loin de l’imagerie rock et de l’apparat qu’on leur connaît. Lisa arbore toujours une volumineuse coupe afro, son tambourin toujours à portée de main, et se glisse l’air de rien dans les fantômes d’Aretha, Otis Redding, Tina Turner, ou James Brown, avec une voix pure et puissante (même à quatre kilomètres du micro sa voix continue de projeter jusqu’au fond de la salle), sensuelle dans le feulement contenu, déchirante lorsqu’elle la pousse dans ses retranchements. Et puisqu’on a affaire à une dame, si celle-ci demande un « yeah ! » sur 90 Miles, inutile de dire que le public suit, ce qui n’est pas pour lui déplaire. Bob, avec sa tignasse blond filasse et ses grosses lunettes cerclées de noir, semble sorti tout droit de comics américains, tel qu’il est représenté sur la pochette de l’album. Assis sur son tabouret, il accompagne sa moitié d’harmonies vocales haut perchées aux accents dylaniens, de gimmicks blues ou d’arpèges dépouillés, joués sur une guitare japonaise des seventies (du temps où le Soleil Levant produisait les meilleures américaines) aux basses profondes qui ondulent le long des voûtes, au diapason de la vibration qui caresse et transperce le public, suivant les accès de fièvre de la chanteuse. Rock, soul, blues, country, pop, R’n’B (« Rythm and Blues »), sont convoqués au gré des morceaux, si bien qu’on serait bien ennuyé de chercher à leur coller une étiquette ; non, c’est un peu tout cela réuni, transcendé par la voix de Lisa.



Cette version alternative acoustique des BellRays, ramenés à leur ossature fondamentale guitare-voix, Bob-Lisa, impose leur talent et par-dessus tout une voix qui, malgré l’étendue de son registre, demeure en permanence chargée d’émotion, sans jamais donner dans le démonstratif…


Etonnamment, il suffit d’un seul homme ce soir, pour faire monter la tension d’un cran. Legendary Tigerman, le héros rock portugais met tout le monde d’accord et KO. Longiligne, pompes blanches, chemise noire, lunettes fumées et cheveux gominés, le fondateur de Wraygunn est ici en solo. Pourquoi faire à plusieurs ce que l’on peut faire seul ? Le légendaire centaure félin joue donc à l’homme-orchestre, grosse caisse sous le pied droit, caisse claire ou charleston et tambourin, au choix, sous le gauche, et, devant lui, deux micros, dont un des plus salissants, et un troisième solidaire d’un kazoo (c’est plus rigolo). Guitare Gretsch en main, et entouré d’un arsenal d’effets et d’amplis, il tire de sa six-cordes des basses vrombissantes et un son fuzzy old-school.

L’individu se démène avec autant d’abnégation que de dérision. Rock’n’roll déglingué, boogie sale, riffs de slide blues, reprise de Route 66, et rockabilly à toute berzingue, on pense aux Cramps bien sûr (avec un pincement pour le chanteur Lux Interior, mort en ce début d’année) mais aussi aux White Stripes ou à l’intenable Jon Spencer, qu’il semble être le seul à pouvoir concurrencer sur ce terrain gominé. Dans la salle, des fans manifestes semblent avoir à cœur de brailler les textes avec lui. C’est que dans l’underground, Paulo Furtado (de son vrai nom) n’est pas qu’une légende…


Photo : Florian Garcia


Le massacre des innocents s’achève avec She Said des Cramps, version trash (sic !), durant laquelle il maltraite une antique chambre d’écho à bande (Wem Copycat pour les connaisseurs) dont il extirpe des scratches stridents avant de reprendre de plus belle et hurler « hoo-hi-ha-ha », le micro ras la gueule, jusqu’à ce que mort s’ensuive.


F.G.


Setlists

Bob & Lisa

Crazy Water / In The Light Of The Sun / Save Me / Baby What You Want Me To Do / The Way / Crossfire Blues / Endings And Beginnings / Walking On The Rain / Jackie / I Think Of You / Wedding Bells / 90 Miles / Every Single Day / Wishing Moon / Ride / Testify

Legendary Tigerman

Masquerade / Shoot My Woman / I Got My Night Off / Crawdad Hole / Walkin’ Downtown / Love Train / Make You Mine / Route 66 / Honey, You’re Too Much / Blue Moon Baby / The Hole World’s Got… / Naked Blues / Bad Luck R’N’B Machine / & Then Came The Pain / Big Black Boat / Your Life Is A Lie / She Said


0 Comments:

Post a Comment