19/07/2009

Il y a longtemps qu’on les attendait… Depuis deux albums, durs, violents, emplis de ténèbres, on se demandait quand les Warlocks de Bobby Hecksher referaient surface. Les voici enfin, dans une Maroquinerie des grands soirs, et la patience en valait la chandelle. La formation américaine à l’équilibre fragile reste la reine du côté obscure. Définitivement.


Pour ouvrir les hostilités, les Four Dead In Ohio délivrent un psychédélisme forcené. La salle est plongée dans une obscurité abyssale zébrée d’éclairs stroboscopiques et foudroyants, tandis que se projettent derrière le groupe des images qui ajoutent à la dimension subliminale du quatuor. Les guitares sont passées à la moissonneuse, assénées à l’unisson des saccades lumineuses. Sous la casquette et les cheveux longs, gavroche – Jakob Ohlsen – chante et arbore chemise de bûcheron et Gretsch blanche qui rappellent que le nom du groupe n’a pas été choisi au hasard. Neil Young a décidément marqué plus d’une génération de musiciens. À droite, un bassiste dont la dégaine évoque plus la fratrie Ramones, fait gronder la terre à en réveiller les morts-vivants, avec le soutien du batteur, alors qu’à gauche, le second guitariste s’affaire à la manière d’un Peter Hayes du Black Rebel Motorcycle Club.



Photo : Florian Garcia


Changement de plateau et Bobby Hecksher et sa troupe font une première apparition pour les derniers réglages et accordages de leurs guitares hollow-bodies, s’éclipsent puis reviennent pour de bon. Red Camera lance le concert comme il lance leur dernier disque : retenu, anxiogène, sous les lumières rouges infernales alors que derrière défilent les images du clip. Instant de grâce, So Paranoid garde toute sa beauté désespérée. Mais c’est la visite de « Phoenix », l’album de l’insouciance, qui libère et déchaîne les fans. Sourire au coin des lèvres, Bobby semble agréablement surpris par l’accueil qui lui est réservé et l’excitation que provoque chacune de ses intros : Shake The Dope Out, sur fond de seringues et cachetons en suspension, The Dope Feels Good, où l’écran s’imbibe d’auréoles sanguines, ou encore Hurricane Heart Attack, reprise en chœur par le public.


Hecksher fait des manières ici ou là dans sa gestuelle, glisse quelques remerciements, mais c’est assurément avec sa musique qu’il est le plus apte à communiquer. Et avec trois guitares au compteur, autant dire que le boucan est épique. Parfait pour la mise en son de ses visions ombrageuses : on assiste parfois à de belles démonstrations de shoegazing et de guitares enchevêtrées, alors que basse et batterie assurent des fondations de béton. Ce soir la caisse claire est surpuissante, et l’ondulante bassiste tisse des lignes rondes et hypnotiques. Alors que la musique s’infiltre pernicieusement dans les corps, l’expérience est aussi visuelle, les musiciens et leurs ombres comme autant de reliefs mouvants devant la toile de projection. Zombie Like Lovers au rythme désarticulé, met de fait le batteur à l’honneur avant de s’éteindre dans une apologie du larsen, puis Standing Between The Lovers Of Hell déverse tout son fiel au rythme cardiaque de la grosse caisse. Par la suite Caveman Rock, vieille chanson du groupe, sera l’occasion d’inviter un quatrième guitariste, et pour Bobby d’attraper sa Vox 12-cordes, option Brian Jones.



Photo : Florian Garcia


Alors qu’ils quittent la scène, hors de question d’en finir pour l’auditoire. Le rappel sonne donc l’heure du déluge : feedback à bride abattue, jam éclatée, décibels fous. Les zombies opineraient du chef. Espérons qu’ils reviennent vite, les lumières se rallument et déjà le manque s’installe…


Flavien.G



Setlist

Red Camera / Isolation / So Paranoid / The Midnight Sun / Shake The Dope Out / The Dope Feels Good / Hurricane Heart Attack / Zombie Like Lovers / Standing Between The Lovers Of Hell / Caveman Rock / Angry Demons / Stickman Blues / Warhorses / Come Save Us / Worn Thin



03/07/2009

C’était l’« événement à ne pas rater » dirait-on. C’est qu’il y avait de quoi fantasmer sur le « super-groupe » de l’année, soit la réunion, au sommet, de Jack White (The White Stripes, The Raconteurs), Alison Mosshart (The Kills), Jack Lawrence (The Greenhornes, Blanche, The Raconteurs) et Dean Fertita (Queens Of The Stone Age). Et pour cause…


En première partie, Aqua Nebula Oscillator est l’archétype du groupe psychédélique en voyage à deux mille à l’heure (quitte à en laisser quelques-uns sur le carreau). Tout commence par un trip aux claviers de la chanteuse et du guitariste, puis la machine démarre avec l’arrivée du batteur et d’un grand échalas aux longs cheveux blonds à la basse qui envoie nonchalamment façon réacteur sur sa Rickenbacker. Le vampirique guitariste est dans sa bulle, concentré sur ses synthés et sa vieille guitare d’Europe de l’Est, tandis que la chanteuse à frange psychédélise avec eux, alternant entre son clavier, son micro capricieux et un Theremin, qui s’affole à l’approche de ses mains.


La température dans la Cigale atteint déjà un seuil critique mais le public reste aux abois, impatient. The Dead Wheather se démarque avant même leur entrée en scène puisque les roadies, qui peaufinent les derniers réglages et l’installation, déambulent en costard et chapeau. Ce qui, mine de rien, en impose. On se croirait à une soirée en l’honneur des guitares Gretsch : alignées, une White Falcon, une Billy Gibbons (la gratte ZZ Top !), une Bo Diddley carrée et une basse White Falcon, toutes d’un blanc crémeux et immaculé. L’arrivée du groupe rend l’audience immédiatement dingue. On ne l’arrêtera plus.


Photo : Florian Garcia


A la batterie Jack White, avec ses épaules de déménageur, bûcheronne les fûts étalés autour de lui. Pas virtuose mais efficace, avec un style personnel. Ses interventions vocales nasillardes dans un micro au son téléphonique déclenchent la clameur de la foule. Devant lui, en front-woman, Alison impressionne. L’impétueuse tigresse a visiblement changé de catégorie pour devenir une véritable chef de meute. Voix écorchée, charisme évident, tout en posture et courbure, sans retenue, à la limite de la perte de contrôle, punk, belle et fiévreuse. Alison Mosshart pourrait bien être la Janis Joplin des années 2000.


Photo : Florian Garcia


A ses côtés, Jack Lawrence, le bassiste à lunettes, tout musicien timide qu’il est fait preuve d’un engagement sans faille et ondule avec souplesse, ne se formalise pas lorsqu’il souffre de son matériel défaillant, laissant ses techniciens chapeautés s’affairer à identifier la panne. A la guitare et aux claviers, Dean Fertita est un multi-instrumentiste doué qui ajoute une touche psychédélique et des nuances de piano Wurlitzer. Il ne semble pas prendre ombrage de la présence de White dans son dos, et on se doute que le batteur de ce soir ne renierait pas ses riffs bluesy/heavy. N’empêche, pour Will There Be Enough Water, Jack White quitte la batterie – remplacé par Lawrence –, se saisit d’une guitare et vient montrer qu’il est bien le patron, avec son jeu caractéristique, et une incroyable aisance à décocher des stridences assassines. Le show monte d’un cran : dans l’arène, plus aucun obstacle entre le colosse White et la déesse Mosshart, et les voir se chanter à la gueule, face à face, la bouche collée au micro, fait bien sûr partie du spectacle. Le clou ; enfoncé avec force décibels. Le public est sonné. Et pourtant le rappel assène un nouveau coup de fouet, définitif.


Photo : Florian Garcia


Tout cela, ne l’oublions pas, demeure le fait d’un groupe qui n’a que quelques mois d’existence, dont l’album n’est même pas encore sorti, et qui n’affiche que quelques concerts de rodage au compteur. Autant dire que la marge de progression est énorme !


Flavien.G