05/06/2009


Étonnant, à l’heure d'écrire ces lignes, de se rendre compte que ce sont les premières concernant Dan Auerbach. C’est que l’individu a quelque chose de familier, après huit ans de Black Keys et cinq albums qui, inévitablement, construisent une histoire. Il aura fallu l’escapade en solo du guitariste, en parallèle de son duo majeur (et maître du blues mineur) pour l’évoquer enfin.



Parce que Dan Auerbach n’est pas n’importe qui. La voix et la guitare des Black Keys, Akron, Ohio. Pour beaucoup, le duo blues-rock, guitare-batterie, qu’il forme avec Patrick Carney a longtemps été considéré comme une sorte de pendant sombre des White Stripes. En plus rude, plus dur, moins glamour, plus méchant, plus buriné. Rien n’empêchant d’aimer les deux, pour ce qu’ils sont – et c’est assurément ce qu’il y a de mieux à faire. Ce qui est sûr, c’est que, comme les White Stripes, les Black Keys sont importants, qu’on se le dise. Et que, comme Jack White, Dan Auerbach est un stakhanoviste qui, lorsqu’il n’enregistre pas ses propres disques, chapeaute ceux des autres, au hasard Radio Moscow, ou Black Diamond Heavies. Brillamment s’entend. Mais la formule duo, si fascinante soit elle, a aussi ses limites et le voilà donc en « solo », c'est-à-dire avec qui il veut quand il veut (les potes, la famille). « Keep It Hid », sorti en février, est donc plus riche en instruments, plus varié en directions musicales… Et il fallait bien que tôt ou tard le disque se voit transposé sur scène. Et au Trabendo ce soir.


Pour l’occasion Auerbach s’est entouré de mercenaires mariachis et reconstitue, à sa manière, la chevauchée de la horde sauvage. Même avec la barbe et les cheveux coupés, Dan a quelque chose d’un cowboy (un garçon vacher), et se pose naturellement, sans esbroufe, en chef de bande, avec, comme il se doit, un beau ténébreux à la basse, un pistolero à la guitare, et trois gaillards plus ou moins velus dans le rôle des dynamiteurs de percussions, batteries (deux !) et orgue (italien, l’orgue). Ce sont les Fast Five, qui comptent dans leurs rangs des membres du groupe Hacienda (originaire du Kentucky, et produit par… Dan) ainsi que le batteur de My Morning Jacket. Dans le désordre, le bon, la brute, le truand et leurs cousins. Tous fringués plus ou moins à la sauce tex-mex. Et le hold-up est plutôt réussi…


Photo : Florian Garcia


Ici et là, les ballades (When The Night Comes, Goin' Home) sont autant de moments intimes qui dévoilent pudiquement l’étendue du registre et des capacités d’Auerbach, qui démarre le concert seul, religieusement, avec Trouble Weighs A Ton. Mais il faut surtout reconnaître la diabolique efficacité qu’il parvient à injecter dans les morceaux les plus enlevés, I Want Some More, Mean Monsoon ou Street Walkin’ en tête. Autour de lui, ça maracas la baraque, ça dodeline de la tête, ça se laisse emporter par le groove, par le groupe. Cohésion et vibrations collectives. Entouré de la sorte, le poids sur ses épaules est moindre : nul besoin de tenir les rennes à tout moment comme en duo, ou d’envoyer de la guitare non-stop façon artillerie lourde. Son jeu est ici plus rythmique, les solos distribués par petites salves. Il tire à bout portant de sa vieille Harmony Rocket américaine, des riffs forcément fuzz (on ne se refait pas), mais qui respirent au milieu des grands espaces que s’offre le groupe. Et que dire de sa voix ? Renversante, plus puissante et expressive que jamais.


Photo : Florian Garcia


Face à eux, si la salle souffre de la concurrence du soir (PJ Harvey au Bataclan, Ben Kweller à la Cigale), elle y gagne en densité de fidèles, qui renvoient une belle énergie. Quant à ceux qui découvrent, ils en sont quittes pour une belle surprise. A la sortie, point de tequila : guitares rengainées, Dan et les Fast Five s’en vont déjà dans la nuit. C’est leur boulot…


Flavien.G



Setlist par Céline M.

Trouble Weighs A Ton / I Want Some More / The Prowl / When I Left The Room / My Last Mistake / Mean Monsoon / Oh Carol, I'm So Sad [Rockin' Horse] / Real Desire / Money & Trouble / Street Walkin' / When The Night Comes / Whispered Words (Pretty Lies) / Heartbroken, In Disrepair / Keep It Hid / Inside Lookin'Out [The Animals]
Rappel : Goin' Home / Hidden Charms [Willie Dixon]

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