19/10/2009

La soirée s’annonçait longue avec pas moins de trois groupes à l’affiche. Pour entrer dans le vif du sujet : The A-Bones, de New York. Le gang a tout l’air d’un de ces groupes plus très jeunes qui a dû rouler sa bosse dans tous les bouges crasseux d’Amérique. Conduits par le chanteur Billy Miller et une batteuse-hurleuse gantée de noir, guitariste et bassiste ne feignent pas, quitte à finir par terre, tandis que le sax ténor assure le lead…


Avec T-Model Ford, les choses prennent une tournure plus solennelle. A 89 ans, le bluesman du Mississippi arrive à petits pas, canne en main, s’assied à côté de son ampli où l’attend nonchalamment son verre de whisky (déconseillé par son médecin !), et libère rapidement les vibrations du blues électrique marécageux de sa génération perdue. Si ses doigts semblent effleurer les cordes, c’est un son brut et tendu qui s’en échappe, diaboliquement rythmique. Minimaliste, il est accompagné de la puissante pulsation d’un jeune batteur dont la barbe et la casquette de révolutionnaire cubain ne cachent rien de son dévouement et de son bonheur d’accompagner une légende de trois fois son aînée. L’œil rieur, T-Model Ford semble défier la foule, genre « je vous enterrerai tous ». « I’m a ladies’ man » dit-il dragueur en plongeant dans les yeux des demoiselles du premier rang qu’il tente d’ensorceler par ses blues en mi mineur tournant et tournant encore jusqu’à l’hypnose.


Photo : Florian Garcia


Puis c’est la tornade Heavy Trash, emmenée par le charismatique et tourbillonnant Jon Spencer, qui catalyse la moiteur ambiante et électrise l’assistance. Esprit 100% rock’n’roll fifties et sueur punk, costards ajustés, cheveux gominés et contrebassiste chapeauté. Tel un pantin azimuté derrière sa guitare acoustique chevillée au corps, le performer Spencer dévore son micro pour mieux faire vibrer les infra basses et, bien sûr, les cœurs et les corps. l’individu maîtrise à merveille tous les ressorts du rockabilly dont il use et abuse, du hoquet sexy suraigu au chevrotement elvisien. Théâtral et joueur, cristallisant l’attention, hurlant comme un possédé, il semble toujours à la limite, en transe, prêcheur fou aux yeux exorbités, à base d’incontournables « let me here say yeah ! ». L’évangile selon Jon Spencer : « I wanna know what’s in a woman’s mind »…



Photo : Florian Garcia


A côté de lui, son acolyte Matt Verta-Ray fait pleuvoir riffs et solos sur sa Gibson archtop couleur d’or, tandis que leurs batteur et contrebassiste assurent leurs arrières avec finesse et assurance. Plus qu’un projet parallèle rétro et défouloir de Spencer et Verta-Ray, Heavy Trash apparaît surtout comme une entité où le plaisir guide la musique. Il n’y a qu’à voir le contrebassiste Simon, visiblement ravi de partager ce moment, se marrer et pousser les chœurs sans la moindre retenue. Les « standards » du groupe sont ainsi envoyés toutes sirènes dehors à l’instar de Justine Alright, auxquels viennent s’ajouter les morceaux du nouvel album : Bumble Bee, Gee, I Really Love You, Isolation, That's What Your Love Gets, ou encore Good Man chanté par Matt. Tout cela est sèchement noyé d’une reverb slapback caverneuse, qui s’affole quand viennent s’entrechoquer les cris, les accents du batteur et la guitare de Verta-Ray.




Lorsqu’on y pense, on se dit que, tout de même, il y a cinquante ans, la bienpensante pudibonderie devait bel et bien s’arracher les cheveux et tomber en syncope à la vue de pareils énergumènes et face à tant de sauvagerie, de corps et de paroles explicites… Car le rock’n’roll est un choc.



Flavien.G


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