25/12/2008


Malgré les multiples rumeurs de reformation, on peut dire sans trop se mouiller que The Libertines appartiennent au passé – et probablement à l’histoire, avec deux albums qui pourraient bien être les seuls à rester du rock anglais des années 2000 –, et Dirty Pretty Things, comme BabyShambles, ressemble cruellement à une manière pour Carl Barât de signifier à son alter ego Pete Doherty qu’il peut se débrouiller sans lui (et réciproquement, donc). Il n’empêche que ni le groupe de Doherty, ni les DPT qui nous intéressent ce soir ne parviennent à faire oublier leur glorieuse collaboration, le bon vieux temps (« The Good Old Days »…) et le fait qu’ils sont meilleurs ensemble. D’ailleurs, si leur succès actuel découle peut-être de ce fameux passé, on ne peut que constater que les deux groupes sombrent lentement, mais sûrement : BabyShambles est moribond et Doherty s’en va vaquer en solo, s’acoquiner avec Amy Winehouse (on imagine le carnage toxique) et manquer ses propres concerts, tandis que Barât, plus sobre (enfin façon de parler... disons moins médiatique), a tout simplement fait savoir que cette tournée serait la dernière avant la séparation de son groupe.


Effet d’annonce oblige, on se dit que c’est l’occasion d’aller voir, sait-on jamais, et on est surpris de découvrir un Bataclan relativement clairsemé, le balcon tristement vide. Bien sûr, le public se compose majoritairement de jeunes parisien(ne)s trop bien sapé(e)s. Les plus ponctuels auront pu voir les Tatianas, trio parisien chargé de l’ouverture. Les Dirty Pretty Things débarquent tranquillement la clope au bec vers 21 heures : Garry Powell (batteur originel des Libertines) derrière les fûts, torse nu avec ses biscoteaux de sprinter américain, Didz Hammond, le bassiste en chemise noire, posté devant son ampli couvert de l’Union Jack, Anthony Rossomando, guitariste à la tignasse bouclée et hirsute, et Carl Barât, vêtu comme il se doit d’une petite veste de cuir des plus seyantes. Powell la joue physique et le quatuor s’en sort plutôt bien, face à une assemblée réceptive venue pour remuer, et qui connaît manifestement les paroles. On ne voit guère quoi leur reprocher, dans le genre rock british, cela se tient impeccablement, et pourtant on a le sentiment que la sauce ne prend jamais complètement.


Photo : Florian Garcia


En fait c’est après une heure de jeu, en rappel, que les quatre vont un peu plus se lâcher entre le single Bang Bang You’re Dead du premier album et une reprise de In Bloom de Nirvana. Suit un second rappel, durant lequel Rossomando s’offre un impressionnant stage diving avec sa guitare. Et puis s’en vont, fin de l’histoire.


Si la séparation prématurée des Libertines avait laissé un amer goût de gâchis, la fin des Dirty Pretty Things n'aura pas le même impact émotionnel. On est presque embarrassé pour Carl Barât qui, somme toute, fait son boulot honnêtement, mais semble traîner ses guêtres, son désespoir et son fardeau, bien loin de sa jeunesse perdue.


F.G.



Photo : Florian Garcia


21/12/2008


Difficile métier que celui de guitar hero. Popa Chubby, individu haut en couleur s’il en est, est l’un des derniers légataires d’un certain esprit blues et rock’n’roll, option guitare. C’est la crise et c’est un Bataclan incomplet, avec fauteuils, et balcon fermé (sauf pour quelques fins obstinés qui ont réussi à s’y faufiler), qui l’accueille pour le deuxième soir de suite.


Popa débarque à 20h15, avec ses tatouages, ses kilos et son chapeau, en trio, avec batteur et bassiste, et enfourche sa guitare. On jurerait parfois assister à une démonstration de la Fender Stratocaster par un de ses éminents émissaires, la preuve par six cordes, s’il en était encore besoin, que cet engin est La guitare ultime. On dirait pourtant un jouet entre les grandes paluches de cet imposant personnage. Son jeu est proprement hallucinant, brillant lorsqu’il reprend certains morceaux inscrits dans la légende par les doigts de fée de saint Jimi Hendrix, patron des guitaristes à qui il rendait hommage il y a deux ans avec le triple album « Electric Chubbyland » : Hey Joe, Manic Depression et Little Wing ne manquent pas de panache et font leur petit effet… Il s’offre également un clin d’œil à Led Zeppelin, où s'illustrait Jimmy Page, qui n’était pas la moitié d’un manche non plus. Chaussé de Converse Chuck Taylor, il n’hésite pas à appuyer sur le champignon de sa pédale wah-wah pour des solos débridés et hurlant : Cry Baby, c’est bien cela !


Photo : Florian Garcia


Au bout d’une heure intense de sueur, de grimaces et de langue tirée, devant un public sagement assis, sagement initié (moyenne d’âge relativement élevée), sagement fan et sauvagement enthousiaste (demandez un « yeah » ou de battre des mains, et Monsieur est servi), au bout d’une heure donc, Popa Chubby invite un premier larron, ami parisien joueur de pedal steel guitar, puis un violoniste, ainsi que sa copine (sa femme ?) au chant et à la basse, tandis que le bassiste se saisit d’une guitare acoustique. Tout ce petit monde est là pour défendre l’album fraîchement paru – et palme de la pochette de mauvais goût : « Vicious Country ». Et dans un premier temps cela y ressemble en effet : le guitariste continue tout bonnement sur sa lancée, donnant dans une country sale, bluesy, rock. Ce sont surtout les rythmes et l’aigrelet violon qui rappellent les racines d’une certaine musique américaine. Seulement voilà, l’ennui gagne rapidement et on a de plus en plus l’impression d’assister au concert d’un vieux groupe de bal lambda en plein milieu du bayou. A vrai dire, si Popa Chubby capte logiquement l’attention et la lumière, ses acolytes ont un déficit flagrant en charisme. Et si madame Chubby se défend finalement pas si mal à la basse et au chant, ce n’est pas une raison pour s’habiller n’importe comment (bottes de moto, collants et tutu noirs), et elle a le malheur de faire penser à votre voisine – oui, celle qui sort son caniche tous les soirs – dont vous découvririez stupéfait la double vie : tatouages et rock garage !

Difficile donc, de rester mobilisé, d’autant qu’aucun morceau ne se détache réellement (à part une reprise de Gloria, à la fin, qui soulève, diantre !, le public) et qu’on approche les deux heures et demie de concert. Pour ne rien arranger, on assiste ensuite à une touchante réunion de famille puisque les Chubby encadrent leurs deux filles – qui ont hérité de leur popa une certaine propension à l’embonpoint – l’une au violon, l’autre à la trompette, pour une chanson à quatre voix tout à fait anecdotique.

Le « show » finit par toucher à sa fin, et, la guitare raccrochée, il vient comme souvent à son habitude prendre la place de son batteur pour une petite démonstration récréative, avant que ce dernier ne le rejoigne à nouveau pour une partition percussive à quatre mains, alors que déjà la salle se rallume…


On quitte les lieux dubitatif, partagé entre l’immense respect qu’inspire le guitariste et l’indifférence que procurent ses errements avec son groupe du moment. Le salut se trouverait peut-être dans un super-groupe avec des musiciens à sa mesure qui le pousseraient à composer de grandes chansons. Peut-être…


F.G.


17/12/2008


Avec deux premières parties prévues au programme de ce soir, tout le monde n’a pas joué la prudence de rigueur question timing. Et alors que la première a déjà eu lieu, c’est le second groupe qu’on découvre à l’ouvrage sur la petite scène de la Maroquinerie, avec un batteur qui meule et des guitaristes qui bûcheronnent des grattes choisies avec goût, pendant qu’un harmoniciste ajoute encore un peu plus, si possible, au boucan ambiant.
Puis viennent enfin les Datsuns, alors que sort leur quatrième album, lorgnant tantôt vers les Hives les plus punk, tantôt vers le Black Rebel Motorcycle Club – parce que quand c’est psychédélique c’est mieux –, et tantôt vers ce qu’ils savent faire de mieux : du Datsuns pur jus, tout en riffs et hurlements, façonné comme le meilleur du hard rock seventies…

Voilà donc les quatre Néo-Zélandais sur scène et dans le vif du sujet sans plus tarder (Sittin Pretty) : allure d’éternels adolescents gringalets, charisme limité mais rock’n’roll sur-vitaminé. La vérité, c’est que ça envoie la purée ! A gauche, Christian donne dans le solo de wah-wah sauvage, et à droite, Philip mouline sans retenue façon Pete Townshend. Dolph, derrière ses cheveux, arbore une coquette moustache, et un t-shirt noir à l’effigie des Kinks. Il s’égosille à tout va dans son micro, harangue la foule, et alourdit le propos d’une basse au manche ténu tenue à bout de bras : pas plus de trois titres avant de dégouliner littéralement de sueur. Quant à Ben, le nouveau batteur, il s’applique à enfoncer un peu plus le clou, avec un acharnement tout à son honneur.
Dans la fosse, les premiers rangs remuent allègrement. Ça « pogote », dirait-on ! C’est que tout ce petit monde sait pourquoi il est là, dans ce petit club souterrain, et pas ailleurs… ça n’aurait pas vraiment de sens d’être, au hasard, au Zénith (où se produisent les BB Truc). De solides bras, donc, pour accueillir Dolph, qui n’hésitera pas longtemps à se jeter sur cette petite marée humaine qui finit par le re-propulser sur scène, comme si de rien… Certes, force est de reconnaître que ce sont les vieux morceaux qui fonctionnent le mieux (et dans le public on entend ça et là réclamer I Got No Words – qu’on aurait volontiers entendu, il est vrai), mais le set est dense, intense, avec en point d’orgue l’immense MF From Hell (MF pour Mother Fucker), terriblement efficace. Les Datsuns s’éclipsent après Eye Of The Needle, du nouvel album, rare moment où le tempo ralentit un peu, pour repartir plus puissant encore, avant d’achever définitivement l'assemblée avec un rappel pas piqué des hannetons.

C’est bel et bien une certaine idée du fun qui règne, chargé d’énergie, sans calcul, avec une fraîcheur qui ne s’est toujours pas émoussée depuis 2002 et leur premier album éponyme. Ou comme un plaisir coupable pleinement assumé ; et on en surprendra plus d’un à secouer la tête avec un petit sourire en coin, le regard complice, vaguement vicieux, diablement satisfait…


Flavien.G