17/08/2008


La fondation Cartier pour l’art contemporain aura accueilli cette année, du 28 mars au 22 juin, l’exposition Land 250, rassemblement foutraque de photos (au polaroïd Land 250) de dessins, de vidéos et autres objets fétichisés par celle qu’on ne présente pas.

C’est dans ce cadre qu’est organisé un concert (à Cartier, on dit « soirée nomade »), dans la salle même de l’expo, les vidéo projecteurs continuant de faire danser Madame sur les murs, devant un parterre VIP fait d’autant d’invités que de chanceux payeurs ayant réussi à se procurer une place. Claire Chazal papote avec cette huître de Marc-Olivier-Fogiel, Valéria Bruni-Sœur-de-l’autre cherche son beau Louis Garrel caché sous son bonnet rouge façon dandy-commandant Cousteau, et Isabelle Huppert ne me cherche pas puisque je suis juste à côté.


Ce sautillant petit public, vaguement bobo, est prêt à danser s’il le faut, et, bien sûr, tout acquis aux causes désespérées que la plus militante des poétesses continue de scander le poing serré, en vers, et contre tout. Et de fait, l’entrée en scène de madame Feu Fred Sonic Smith (son homonyme de mari donc, et accessoirement guitariste du MC5) soulève cris de joie et applaudissements, et c’est quand même la moindre des choses après tout, quand on sait recevoir. Surprise numéro un : on y voit comme en plein jour dans ce sous-sol, ce qui enlève un peu du côté cérémonie rock mais laisse aux amoureux le loisir de se regarder dans le blanc des yeux, parce que c’est quand même magique ce qu’on est en train de vivre, n’est-ce pas chéri ? Surprise numéro deux : les vieux routiers à moitié sourds qui s’étaient enfilé leurs petits bouchons pour protéger leurs petites oreilles à la première salve d’applaudissements se voient contraints de les retirer, because le son est plutôt faible, un peu comme dans un semblant de salon (celui-là même que les fauteuils en cuir installés à l’origine dans la salle d’expo étaient supposés reproduire, histoire qu’on se sente chez soi, elle est comme ça, Patti). Surprise numéro trois : l’intégralité du set sera acoustique, avec des guitare en bois, sans distorsion ni feed-back, comme à la maison, donc.

Bref, d’aucun dirait que ça pêche un peu côté atmosphère ; oui mais voilà, derrière le micro c’est Patti Smith, une fée électrique qui, avec sa seule voix, peut vous filer le frisson, les larmes aux yeux, l’envie de faire l’amour, ou de marcher sur Washington. Une voix toujours aussi fragile et puissante à la fois, du murmure à l’incantation, du râle au cri primal, psalmodiant ses textes avec l’énergie de l’espoir…


Et ce concert sera une fête, ou ne sera pas. Patti, plus souriante que jamais, est entourée de son fils Jackson et du fidèle Lenny Kaye aux guitares, d’un batteur et d’un bassiste/claviériste, tous dévoués à la prêtresse. Et durant une heure et demie on remonte le temps et le répertoire, entrecoupé d’hommages à Fred Smith et Bo Diddley, géant du blues tristement disparu quelques jours plus tôt, avec un Who Do You Love ? qu’elle pattismise et s’approprie pleinement. Les standards ne sont pas non plus écartés et le public reprend en choeur Because The Night et People Have The Power.


C’est elle qui tient les rênes, et tout le monde en haleine, elle est libre, et le temps semble avoir renoncé à s’en prendre à ce corps si à l’aise dans cette paire de jeans et cette veste noire (l’uniforme « Patti Smith »). Cabotine, enfantine, colérique, politique (soutien à Obama), révoltée, possédée, Patti Smith met une telle force dans ses gestes, dans sa voix, dans son art, qu’on ne peut y résister. Et on a envie d’y croire. Et avec elle, de « changer la merde en or »…


F.G.


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