27/08/2008


Les concerts parisiens débutent de plus en plus tôt. 19h30 : c’est le nouveau standard, presque l’aube, pour sonner le rassemblement des troupes. Et mieux vaut être à l’heure. Il est loin le temps où l’on trépignait d’impatience pendant une plombe, les uns au bar, les autres assis par terre, refaisant l’histoire en rock, entre vieux souvenirs de concerts et débats sur le dernier album du groupe en question. Le tout dans une salle consciencieusement enfumée (c’était à l’époque d’avant l’interdiction…), en attendant que les lumières daignent s’éteindre. Non, désormais, il faut pointer à 19h30 tapantes, pour entrer dans une salle, encore à moitié vide bien sûr, où la première partie a déjà commencé. Et ce soir, The Blakes, trio d’assez bonne tenue, tendance The Vines ascendant Strokes, se charge de l’accueil avec un volume sonore surgonflé.


Mais évidemment c’est le BJM que tout le monde attend sans se laisser distraire, sachant déjà que Joel Gion, l’indispensable « tambourine man » de toujours, croisé devant la salle, sera donc bel et bien présent, contrairement à leur précédent passage parisien, à l’Elysée Montmartre en octobre 2006. La tension commence à monter tandis que les roadies s’affairent à accorder les superbes guitares Vox vintage. Et c’est une salle pleine à craquer qui acclame généreusement chacune des silhouettes du groupe qui investissent la scène encore plongée dans le noir. Qu’il semble loin le temps du groupe underground méconnu… Le film « Dig ! », sorti en 2004, a sérieusement gonflé la légende et engendré une solide base de fans.

Anton Newcombe, l’insaisissable leader, est sur la gauche de la scène, comme à son habitude, tourné vers ses musiciens, presque dos au public. Il déclenche les hostilités de la meilleure des manières avec le magnifique Whoever You Are : le son est bon, le groupe en place, et Gion, au centre, joue le rôle de pivot avec un détachement impérial. En jeans des pieds à la tête, casquette de marin vissée sur le crâne, son illustre et rebondi postérieur légèrement tendu en arrière, il joue du tambourin avec souplesse, classe et décontraction.


Photo : Florian Garcia


La tornade psychédélique souffle dès le second titre, tout en guitares. Sept sur scène, ils produisent un son terriblement riche, avec trois guitares, parfois quatre, dont une 12-cordes, qui font tourbillonner les harmoniques. A la fin du morceau, Anton s’interrompt, trifouillant les pédales d’effets à ses pieds, avant de repartir de plus belle sur Who. Par la suite, les choses vont sérieusement se compliquer. Le concert sera ainsi une succession décousue de morceaux intenses, au son lumineux, et d’interruptions durant lesquelles Monsieur Newcombe, accroupi, s’évade lui seul sait où (et encore), boit un coup, fait réaccorder sa guitare… avant de la réaccorder lui-même !

Au bout d’une demi-heure, il abandonne ses camarades, laissant tout le monde dans l’expectative, suivi par Joel, qui réussit à le ramener sur scène. Anton semble parfois complètement perdu, ailleurs. Sa blonde platine islandaise petite amie vient en renfort pour chanter Anemone, puis repart comme elle est venue, embrassant son homme qui, décidemment, semble à côté de ses pompes. Point de voix féminine en revanche sur Evergreen, la merveilleuse chanson d’ouverture du premier album « Methodrone », qui y perd un peu de son charme.

Après une heure de concert, il s’éclipse à nouveau. Puis revient. A nouveau. D’aucun se demande s’il ne serait pas complètement bourré, ou défoncé. Ou les deux. Pourtant tout tient debout à chaque fois qu’il se décide à attaquer un morceau, et le groupe, solide, lui emboîte le pas au quart de tour, jusque dans de belles envolées psychédéliques. Et jusqu’à ce que la mayonnaise retombe à nouveau. Et que Newcombe, ne quitte une fois de plus la scène. Le groupe, habitué, meuble ses absences ; et Joel Gion fait diversion dans les moments de flottement. Charismatique, seul à communiquer avec le public, il finit par faire scander à une partie de l’assemblée des « Anton, I want an other song ! ».


On se quitte finalement avec un sentiment de frustration et un goût d’inachevé, l’impression qu’Anton peut vous prendre par la main et vous emmener dans son monde, dans son rêve, et vous abandonner en chemin sur le bord de la route, sans même s’en rendre compte (quoi qu’on pourrait aussi bien le soupçonner de trouver ça drôle). Difficile d’entrer pleinement dans un concert aussi chaotique… Mais n’est-ce pas aussi un peu ce que vient chercher le public ? Des concerts non calibrés et le fantasme d’un Newcombe toujours aussi autodestructeur, imprévisible et fascinant, échappant à tout contrôle, menaçant de déraper à tout moment, comme dans « Dig ! » ? Au-delà, Anton semble surtout désespérément seul, dans sa prison mentale, où les mélodies les plus divines se frottent aux sons les plus diaboliques, jusqu’à la folie.


F.G.


Photo : Florian Garcia


1 Comment:

  1. Anonyme said...
    Anton N au Batclan : j'y étais of course. Le Bataclan : c'est déjà presque trop grand pour celui pour qui le rock est avant tout un mode de vie et qui je crois s'enverrait sa dernière surdose si il entendait le public taper dans les mains et chantonner les refrains comme dans un concert d'Oasis. Reste qd meme que pour les fans, ceux des heures sombres avant l'éclairage de Dig, ce concert fut une nouvel fois la preuve du talent du chanteur compositeur des BJM. Une idole.

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